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Visite inattendue.

1 décembre 2007

Visite inattendue

Visite_inattendue

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1 décembre 2007

La 1ère nuit

 

   Ce jour- là ,un gros brouillard , aussi lourd qu'épais , avait dévoré l'aurore à sa naissance . Le soleil , d'une pâleur effrayante , dut redoubler d'efforts pour transpercer , en vain , le voile opaque de la brume qui ensevelissait la forêt dans son sombre linceul .Le cri d'un oiseau nocturne, trompé d'heure, me fit ouvrir un œil terni par la solitude , dans ma cabane qui  , par  je ne savais quel miracle , tenait encore…

 

  Je sortis de mon lit de fortune : un matelas bourré de paille recouvert de peaux de moutons, une couverture en grosse laine , un oreiller en toile de tente rempli de coton cardé…Mon chien , qui dormait près de l'âtre où la dernière bûche rendait l'âme , bailla et s'étira ; puis se leva paresseusement pour venir frotter ses poils mouillés contre mes genoux…Il leva vers moi son museau humide comme pour me dire qu'il n'y avait plus de bois et que nous risquions de crever de froid par ce rude hiver qui ne faisait que commencer…

 

 Je me dirigeai vers les restes de braises noyées dans les cendres déjà froides ; et, armé d'un tison , je me mis à remuer la poussière grise . Pour ramener à la vie mon foyer ,j'y jetai les quelques branches sèches qui restaient dans le coin à bois…Je dus manier le soufflet un bon bout de temps avant de voir danser la première flamme … Le chien  s'approcha , puis leva vers moi ses yeux larmoyants … Il avait faim … Je lui servis les restes de mon souper à même le plancher . Il n'en laissa pas une miette … Quant à moi , je me contentai d'un café noir bien sucré que je dus réchauffer …

 

 L'horloge indiquait presque dix heures quand je sortis , le fusil en bandoulière et la hâche à la main , suivi par Médor qui n'arrêtait pas de renifler …Un silence de cimetière planait sur la montagne ayant revêtu sa robe blanche … Les flocons de neige , bercés par un vent glacé , voltigeaient longtemps avant de finir accrochés aux rameaux qu'ils embellissaient de leur blancheur soyeuse …  Le ruisseau commençait à geler…

 

 Je ramassais du bois , lorsque le chien , à quelques pas , poussa un petit cri .Je me retournai … Il avait les oreilles dressées , la queue en l'air , une patte levée .Sans faire le moindre bruit , j'appuyai la hâche contre le tronc dégoulinant d'eau d'un vieil eucalyptus  , armai le fusil et fis signe à ma bête de courir … Un lièvre ! J'épaulai , visai et tirai ! Médor m'apporta le gibier … Je lui caressai le dos …Il me le remit . Je le glissai dans le carnier …

 

 En rentrant au bercail ,un fagot de branches sur le dos, la gibecière lourde, , je vis qu'il était déjà quinze heure… Je ressortis , allégé , pour aller  m'approvisionner à la bourgade  au fond de la vallée .Le boutiquier m'accueillit avec un sourire qui n'en était pas un , me demanda ce que j'étais venu chercher comme marchandises , puis m'informa que les services de la météo avaient parlé d'un temps à ne pas mettre un chien dehors …Il me remit mes achats bien rangés dans un couffin ; et , tout en encaissant son argent , me conseilla de rentrer par le plus court chemin car , selon ses dires , une tempête de neige allait se déchaîner …Une jeune dame fit irruption . Je lui jetai un regard désintéressé  en quittant les lieux , et faisant fi des bavardages de M. Vend-Tout  , j'empruntai la route carrossable ,en terre battue,  bordée de pierres mal taillées, qui  serpentait parmi les arbres , déchirant de sa coulée boueuse le flanc de la montagne …

 

  Après un détour en montée, me voilà sur le seuil de mon gite , trempé jusqu'aux os , les bottes recouvertes de gadoue argileuse .. La nuit étalait déjà son manteau sur mon nid. Je mis le couffin sur la table en gros bois de sapin , nourris le feu , allumai ma lampe à pétrole et me mis à préparer le repas du soir , en pensant à cette vie d'ascète enchaîné dans sa grotte que je menais .

 

 Le chien croquait les pattes et la tête du lièvre  . Le feu crépitait dans la cheminée .Le café fumait , emplissant la baraque de son arôme. Je griffonnais un poème dont je fredonnais les vers au fur et à mesure que je les composais …Autour de mon abri , un vent rageur faisait gémir les arbres .Je me levai pour aller voir où en était la cuisson .Médor me suivit …  Soudain , il se mit à aboyer , en se dirigeant vers la porte . J'entendis les pétarades d'une moto ." De la visite , à cette heure et par ce temps de loup ! " pensai-je , étonné .

 

 On frappa à la porte ." Y a quelqu'un ? " répétait une voix féminine . Je pris la lampe en allant ouvrir

 

 - Puis-je passer la nuit chez vous , monsieur ?   dit la visiteuse inattendue , entre deux claquements de dents…

 - oui , entrez ! dis-je ; je vais m'occuper de votre engin .   

 

  Un grognement du chien la fit reculer , pour venir se blottir entre moi et sa bécane . Elle tremblait de froid et de frayeur. J'ordonnai au clébard d'arrêter ses grondements . Il obéit . Je mis la moto à l'abri dans une guérite dont les tôles rouilées continuaient à résister aux intempéries , pris la jeune inconnue par la taille et la conduisis droit vers l'âtre . Elle s'accroupit en tendant ses mains gelées pour saisir le bol de café chaud que je lui servis . Elle en but quelques gorgées , puis fouilla dans la poche de sa jaquette en cuir marron d'où elle sortit un paquet de cigarettes qui n'en contenait plus que deux …Elle m'en offrit une et mordit le filtre de l'aute  en me regardant d'un œil doux . Je pris une branche de l'âtre pour allumer les tiges de tabac .  Nous fumâmes sans mot dire …

 

 " Je veux mon sac " dit –elle , en jetant le mégot au feu .

 

 Je pris la lampe pour aller le lui chercher.Elle s'agrippa à ma main libre en murmurant :

- Non , ne me laissez pas seule avec ce chien , j'en ai peur !  

 

  Pour la rassurer , je lançai un " viens, toi ! " à mon fidèle compagnon qui s'exécuta en remuant la queue …Quand je revins avec son sac , je vis qu'elle avait ôté son cuir qui cachait une chemise jaune qu'enjolivaient de petites fleurs bleues . Je lui tendis sa musette . Elle me gratifia d'un sourire expressif en voyant que mon regard s'était figé sur son soutien-gorge au rose brillant .Elle ouvrit son fourre-tout , sortit un gros paquet  ; puis , d'un ton rieur , me fit comprendre qu'elle avait faim et qu'elle aimerait que je partage avec elle son repas.Je lui montrai du doigt ma grande casserole toujours sur le feu doux du charbon de bois en lui disant qu'un bon repas chaud , par cette nuit pôlaire , nous ferait beaucoup de bien. Elle acquiesça en rangeant son pain et sa viande kasher dont elle jeta un morceau au chien , comme pour l'amadouer. .

 

 Le repas que je dus servir lui plut … A la deuxième bouchée , elle sortit de son sac une bouteille de vin rouge qu'elle plaça sur la table basse à trois pieds . Je lui tendis un verre qu'elle remplit pendant que je me versais de l'eau dans un autre. Elle leva vers moi ses yeux aux longs cils noircis au khôl , puis me demanda si je lui permettais de me tutoyer ; et ,sans attendre de réponse , m'interrogea d'une voix chantée :

 - Tu ne bois pas ?

 -  Non , répondis-je , sèchement … Je préfère garder la clarté de mes esprits !

 

 Le dîner pris , je préparai du thé après avoir débarrassé la table . Elle en prit un bon verre , puis revint à son vin qu'elle se remit à siroter avec un malin plaisir…Elle alluma une cigarette et , me voyant tailler mon crayon , me demanda ce que je voulais écrire…

 - Un poème , dis-je ,  en prenant mon cahier.

 - Super ! s'exclama-t-elle ; je ne me suis donc pas trompé d'adresse… C'est bien toi que je suis venue chercher …

 

 Me voyant écarquiller les yeux , elle se lança dans un long monologue .

 

 - J'ai entendu parler de toi . On te surnomme "le poète ermite " .Ta façon de vivre dans la nature , loin des humains que la matière a asservis , m'a beaucoup plu ;alors j'ai décidé de venir passer quelques jours avec toi pour goûter à la quiétude où tu baignes . Je suis une femme qui aime le calme , et comme je suis libre de tout engagement , je peux rester aussi longtemps que tu veuilles de moi …Je serai très docile , au point de me soumettre à ta volonté …Tout à l'heure , quand tu avais quitté l'épicerie , j'ai demandé , tout bêtement,   au boutiquier s'il connaissait un homme solitaire qui vivait quelque part dans les parages. Il me dit ,entre deux rires sarcastiques , que celui que je cherchais était bel et bien la personne que je venais de voir sortir . Et tout en faisant mes paquets , il m'indiqua , en détail , le chemin à prendre pour arriver saine et sauve à ton refuge . C'est ainsi qu'il appela ton chez-toi , que je trouve accueillant .Alors , me voilà sous ton toit , pour vivre , avec toi , d'agréables moments.

 

 Elle se tut  pour allumer une cigarette et avaler une lampée de son vin . Sans dire un seul mot , je me levai afin de préparer le lit que je pensais lui céder , et étaler des peaux  laineuses à trois pas du brasier qui propageait sa chaleur partout dans la baraque.Elle devina mon intention .

 

 - Il est assez grand , ce lit ; pour accueillir deux personnes ! dit-elle ; en venant écraser ses seins contre mon dos alors que j'étendais la grosse couverture sur la paillasse .

 

  Ce geste éveilla dans ma mémoire toute une fourmilière de souvenirs . Je me retournai. .Elle me sauta au cou . Ses lèvres charnues entr'ouvertes étaient humides et d'un rouge cramoisi à faire bander un eunuque . L'envie de les dévorer envahit tout mon être…

 

 - C'est pour toi que je borde ce lit piteux , dis-je en m'écartant … Tu as dû faire un bon chemin avant d'arriver ici , toute transie. Tu dois donc être fatiguée ; alors tu peux dormir si tu veux…Quant à moi , je n'ai pas sommeil pour l'instant.

 - Je suis bien , maintenant ! avança –t-elle… Si tu permets , je viens m'asseoir près de toi , pour lire ce que tu écris.

 

 Je revins sur ma peau de mouton et , assis en tailleur , me remis à noircir le papier à la lueur de la lampe dont la mèche dégageait une fumée âcre. Elle vint s'installer à ma gauche , posa sa tête sur mon épaule , colla son jean contre ma hanche et se mit à tambouriner de ses doigts graciles sur mon genou …Le temps coulait 

 

 L'horloge se mit à carillonner ses douze coups . Je posai crayon et cahier pour aller chercher  le broc à  café et deux tasses .La visiteuse se leva , en me demandant où étaient les toilettes … Je ne pus étouffer un rire  en disant : dehors !... Elle me regarda d'un œil apeuré, avant de me prier de l'accompagner. Je pris une bure dans mon coffre à vêtements pour l'y emmitoufler . Je remplis d'eau chaude un petit seau que je lui remis , et nous  sortîmes . Le faible faisceau de la torche que je braquai droit devant nous éclairait si peu le sentier qu'elle trébucha à deux reprises. Je la pris par la taille .Un long hurlement lointain la colla à mes côtes .. Elle s'en détacha , à contre cœur, pour aller se soulager au pied d'un arbre ..

 

 Quand nous revînmes , elle jeta la grosse étoffe et alla s'asseoir sur le bord du lit pour y rester silencieuse un bon moment .Pendant ce temps, je jetai au feu quelques branches , rangeai mes bribouillages , allumai une bougie , avant d'éteindre la lampe , et enfilai un vieux pyjama délavé. Elle ne me quittait pas des yeux . Je m'apprêtai à m'étendre sur les peaux à la laine crasseuse , non loin de l'âtre, lorsqu'elle se leva en disant :

  - Viens dormir dans ton lit ; c'est moi qui vais roupiller par terre.Je n'ai aucun droit de te priver de ton confort . Je m'excuse d'être venue perturber ta sérénité .

 

 Je m'allongeai sur le dos, en faisant la sourde oreille . Elle se tut , juste le moment de griller une cigarette; puis , d'une voix hâchée par des sanglots presque inaudibles, me demanda si c'était seulement par pitié que je lui avais ouvert ma porte . Je ne répondis rien . Elle vint alors se recroqueviller près de moi . Elle prit ma main et la pressa conte sa chaude poitrine . Un désir infernal se mit à me tenailler les entrailles .Le sang bouillonna dans mes veines , accélérant les battements de mon cœur , depuis longtemps sevré . Je m'assis ; et , la fixant d'un regard pétillant de tendresse , lui murmurai :

 - J'ai  follement envie de toi , mais…

 

 Je dus gober le reste de ma phrase car , déjà , sa douce langue fouillait avec frénésie au fond de ma bouche.Ce premier baiser, long, profond, mouillé , fougueux se temina par un petit bruit qui réveilla Médor . Il nous regarda d'un œil malicieux puis revint à son sommeil .Je me levai , en la tirant par la main , vers le lit .

 

 - Une minute ! dit-elle .

 

 Je la précédai sur la couchette . Elle alla souffler la chandelle .Seules les flammes des bûches continuèrent à éclairer le taudis de leur rougeâtre lueur .Je fermai les yeux , en savourant les dernières gouttes de son nectar sentant l'alcool .Lorsqu'elle vint se glisser dans le lit , elle n'avait plus rien sur le corps .Je passai le bras gauche sous son cou ; Elle frotta ses seins contre les poils de mes pectoraux, accueillit mon genou droit dans la chaleur de ses cuisses à la peau satinée , chercha ma lèvre inférieure et se mit à la sucer goulûment .Mes doigts , après avoir joué au peigne dans ses cheveux , parfum de lavande , descendirent le long de son échine  . Elle poussa un ronronnement de minette léchée par son élu, son amour de chat ! Son bas-ventre se mit à brûler de tout son feu . Je malaxai , un instant , sa croupe à la chair ferme . Elle se mit , brusquement , à genoux ; faisant s'envoler la lourde couverture . Elle me défit , en deux temps , de mon semblant de pyjama et plongea, le nez le premier , vers la tige à lait qu'elle happa en pressant les deux boules comme pour en faire jaillir le jus. Elle y allait de bon cœur pendant que mon genou lui frottait la soyeuse toison  . Le souffle coupé , elle lâcha prise pour s'étendre de tout son long sur mon corps qu'elle venait d'incendier.D'un geste caressant , je la mis , à ma droite , sur le dos et , sans crier gare , pris le bourgeon le plus proche pour le téter comme un bébé affamé. Le sentant grossir , je le quittai pour son sosie , palpitant de toute sa fraîcheur pour réclamer son dû …Elle se trémoussait  de pied en cap . Les onomatopées s'échappant de sa gorge nouée furent la plus significative des invitations .Elle s'ouvrit pour me recevoir au plus profond de sa fente déversant à flots ses gouttelettes de plaisir .La dance était ouverte …Nos ébats , de plus en plus bruyants firent se lever le clebs .Il vint vers nous , inclina sa tête à droite et à gauche comme pour mieux voir , puis retouna à sa place .  Un dernier déchaînement enfiévré nous expédia , sur les ailes de l'extase , vers un ciel jamais connu.

 

 Repus , nous nous endormîmes , sans nous rhabiller , ni nous couvrir  , collés l'un à l'autre.Au petit matin, je me réveillai , la bouche sèche à craquer.J'étais seul .Je pris une carafe et but à grandes gorgées .Mon regard tomba sur le sac . Il était toujours là! J'enfilai mes fringues en un clin d'œil et sortis en quête de cette femme qui m'a fait revenir dans un passé que je croyais avoir enterré . Tout était blanc . Je remarquai que la moto avait quitté sa cachette ." Elle est partie ! ' me dis-je avant de crier :"Reviens ! je t'aime…" Un écho lugubre répondit à mon cri . Médor , qui m'avait suivi , se mit à gambader ." viens , lui dis-je , nous rentrons "

 

 Sitôt de retour , je vis un bout de feuille sur la table , le crayon gisant à côté.Je pris le papier. Je lus : " Mon Amour , je reviendrai avant le coucher … Fleurette qui t'aime "

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